Le Chardonneret

18 mai 2010 - 12 février 2024

Je suis artiste, ok. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Et tout d'abord, qu'est-ce que c'est "être beau" ? Être "artistique" ?

Comme je l'ai écrit ailleurs, j'ai plusieurs instances pour répondre à cette question.  Plusieurs parties de moi qui entrent en action :

La première, c'est l'Enfant, celle que j'appelle Kiüne, instinctive et joueuse, elle pense que c'est "juste" quand elle n'a plus envie d'ajouter quelque chose ni de changer quoi que ce soit.

Ensuite il faut que ça soit juste par rapport à la partie de moi que j'appelle Ki 2, mon Critique d'Art : il analyse, compare l'oeuvre à ses références, à l'idée qu'il s'est faite de l'art. 

Une autre instance est plus psychologique - appelons la Kissette - elle a besoin de voir le sens d'une oeuvre, d'en comprendre les symboles.

Et puis bien sûr il y a la partie que je m'amuse à nommer Ki Troua, celle pour qui il faut que "ça passe la rampe", que l'oeuvre touche d'autres personnes, parle à d'autres gens que moi.

Ki 2, c'est mon Olivier Cena intérieur : à la fois savant et hypersensible ; soucieux des autres membres du jury et stratège. Tenant compte de l'Esthète, qui en fait est tout proche de lui, de Ki Troua et de Kissette.

Dans le jury Kiüne est en étroite relation avec l'inconscient. C'est une enfant, elle accepte de faire sans savoir et elle s'en fout si ça rate, d'ailleurs pour elle c'est rarement raté. Elle joue simplement. A l'écoute de ce qui veut sortir et l'exprimant le mieux qu'elle peut, fidèle au contenu psychique. 

Cependant la dernière instance, ou la première peut-être, c'est un petit oiseau, un chardonneret. J'aime le nommer mon Cardillo parce que je suis à moitié italienne et qu'autrefois  j'adorais la vieille chanson napolitaine chantée par Roberto Murolo. En fait je pourrais l'écrire Kardillo pour rester dans les K, mais justement il est indépendant des K, il est  libre. 

Le Cardillo, c'est mon monde personnel mais pas forcément le monde de mon passé, fait de blessures ou de souffrances qui poussent au portillon. Non, le Cardillo, c'est ma vision, unique puisque mienne, du monde, de la vie. Ma résultante. Instantanée, adaptée à ma vie, à mon âge, à mon être.

Mon "jury" est présidé par le Cardillo : tout comme un président, il écoute, il reformule, c'est-à-dire qu'il intègre, ressent, recrache et, selon ce qu'il a compris, oriente le débat. Sauf que le Cardillo est inconscient. Le Cardillo est la résultante et la graine, au départ et à l'arrivée. C'est mon empreinte, et pas seulement digitale, mon empreinte globale.

Le Cardillo, c'est ce qui m'est propre. C'est mon goût, ma saveur, l'ordonnancement unique de    mes gènes. C'est le juge suprême. Mais...

Mais il est inconscient : on ne sent pas sa propre odeur. Alors, comment laisse-t-on chanter son Cardillo ? 

Juste en chantant....  chante mon chardonneret, chante et chante et chante encore....

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Transmission - Un Oreiller d’Epines